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Scat : chanter en improvisant

Wap wap do wap : ça swing à Afol Pa ! Cette semaine, nous voulons vous faire découvrir un célèbre pendant du jazz paradoxalement souvent incompris : le scat. 

Apparu dans les années 1900 à la Nouvelle-Orléans (aka, le berceau du jazz) ce style de chant improvisé unique en son genre fait parler de lui depuis ses prémices. Il est le parfait prolongement de l’improvisation de jazz musical qui donne enfin la possibilité aux chanteurs jazzmen d’eux aussi, freestyler à l’infini, au même titre que les joueurs de cuivres, de batterie ou d’instruments à cordes.

Plus d’un siècle plus tard, le scat fait toujours partie du paysage musical des plus grands artistes planétaires, et vous allez découvrir pourquoi.

Le scat : quésaco ?

Des syllabes et des onomatopées en guise de paroles ? Oui, c’est bien le principe du scat. C’est pourquoi beaucoup s’imaginent qu’il n’a aucun sens, et pourtant, si : le scat est un héritage direct du jazz, un genre musical dont l’influence résonne encore aujourd’hui dans bon nombre de styles musicaux.

Cette technique vocale, particulièrement exigeante, consiste à remplacer des paroles, par des onomatopées ou des sons de manière instantanée et purement improvisée.

Parmi le florilège d’exemples connus de phrases de scat que nous pouvons citer, nous en avons choisis qui se sont discrètement glissés dans la pop culture sans que l’on s’en aperçoive :

  • • Bippity Boppity Boop dans Cendrillon (vidéo)
  • • Wap Dou Wap de Johnny Hallyday (vidéo)
  • • Piti Piti Pa dans L’Homme Orchestre (vidéo)
  • • Scooby Dooby Doo dans Scooby Doo (vidéo)
  • • Boop Boop Di Doo de Marilyn Monroe (vidéo)
  • • Ou Bi Dou Bi Dou de Claude François (vidéo)
  • • Ski Ba Bop Ba Dop Bop de Scatman John (vidéo)

Bref, la liste est longue et non exhaustive ! 

Et même si c’est à s’y méprendre, le scat est à bien différencier du vocalese qui est une technique de chant s’en rapprochant, mais qui remplace, elle, les notes par des mots. En voici quelques exemples :

  • • Vocalese de The Manhattan Transfer (vidéo)
  • • Moody’s Mood d’Eddie Jefferson (vidéo)
  • • Four de Lambert, Hendricks & Ross (vidéo)
  • • Sista de Rachel Ferrel (vidéo)
  • • Boplicity de Double Six, un morceau de vocalese en français ! (vidéo)

Vocalese ou Scat : même combat. La voix s’émancipe et devient le soliste du groupe. Elle n’a plus besoin de simplement dicter des paroles ou des phrases mélodiques, mais devient un véritable instrument à part entière avec une infinité de possibles musicaux. Mais attention : scater n’est pas donné à tout le monde ! Il requiert de l’anticipation, du travail, du feeling, du swing, un excellent sens du rythme et de l’harmonie ainsi qu’une technique vocale impeccable.… Bref de la créativité à toute épreuve. 

Mais qui a bien pu avoir une si bonne idée en créant le scat ?

Quand le hasard fait bien les choses

En 1926 à Chicago, à l’aube de sa carrière, Louis Armstrong enregistre une version de Heebie Jeebies (vidéo), un disque 78 tours, avec son quintette Hot Five. 

C’est alors qu’au beau milieu de l’enregistrement : malédiction ! Les partitions et les paroles de la chanson tombent. Ni une ni deux, le jazzman ne se démonte pas et se lance dans un exercice d’improvisation tout bonnement génial en ne prononçant que de simples syllabes et onomatopées humoristiques typiques de sa Nouvelle-Orléans natale.

Cette anecdote sera malheureusement contredite par les enregistrements plus anciens de Don Redman et Cliff Edwards notamment.

Armstrong entrera donc (pour la première fois) dans l’histoire du jazz et cette fois-ci pour avoir popularisé le scat, qui inspira par la suite bon nombre d’artistes en tout genre.

Le petit amant du jazz

Le scat s’est donc prouvé au fil des décennies essentiel dans le développement du langage jazz qui se réinvente, lui aussi, à chaque interprète. Le scattman en recherche de liberté musicale, improvise de nouveaux sons et inflexion de voix à chaque performance, jouant de la musique à l’unisson avec les instruments comme la trompette, la batterie, le piano ou encore la contrebasse.

C’est en ça que le scat a permis d’inspirer les premiers instrumentistes de jazz grâce aux différentes inflexions des voix qui le chantent. Les jazzmen ont donc commencé à repousser les limites de leurs instruments de musique pour atteindre des tessitures alors inexploitées. Le free-jazz est né de ce travail de recherche dont voici les grands noms :

Un scatman sachant scater...

Mais quelles sont donc les grandes voix du scat ? Vous allez le découvrir, il s’agit des artistes de jazz dont les voix sont reconnaissables entres toutes et qui vous évoqueront des morceaux de musique à succès : 

  • • Louis Armstrong avec sa chanson Heebie Jeebie en 1926, le premier grand succès de l’histoire du jazz et du scat évoqué plus haut :

                                                                    vidéo

  • • Cab Calloway est un célèbre interprète de scat, avec des succès tels que Minnie The Moocher (1931) et son célèbre « Ha-Dee Ha-Dee Ha Dee-Ha, Hi-dee hi-dee hi-dee hi, Whoa-a-a-a-ah, Hee-dee-hee-dee-hee-dee-hee... », The Scat Song (1932) ou encore Zaz-Zuh-Zaz (1933).

                                                                    Vidéo

  • • Ella Fitzgerald est une des principales icônes de l'improvisation scat, avec de nombreux titres de son large répertoire tel que It Don't Mean a Thing (If It Ain't Got That Swing) de Duke Ellington avec qui elle fait le duo en 1932 :

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  • • Sarah Vaughan, surnommée “The Divine”, est considérée comme l’une des plus belles voix du jazz. Elle interprète ici Scat Blues aux côtés du pianiste Douglas Duke en 1963.

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  • • Al Jarreau interprète en live Take Five en 1976 en Allemagne et nous donne une exquise leçon de scat dans la plus grande liberté et musicalité qui soient :

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  • • Melody Gardot est une chanteuse et compositrice de jazz du New Jersey du 21ème siècle. Dans son morceau Who Will Comfort Me elle combine des claquements de doigts, du scat et plusieurs instruments à percussion :

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Ce sont des artistes comme Mélody Gardot ou encore Al Jarreau qui ont permis de démocratiser le scat et de l’ouvrir à des genres musicaux d’adoption comme le RnB, le rap ou encore la pop, le rendant ainsi accessible à un public plus large. 

Le scat évolue donc et suit les tendances de la musique jusqu’à même en perdre ses voyelles pour se transformer en... beatbox, un genre popularisé par les artistes issus de l’univers du Hip-Hop comme par exemple :

Vous l’aurez donc compris, tout le défi du scat réside dans la capacité à véhiculer des émotions et raconter une histoire sans s'appuyer sur les mots, mais bel et bien en laissant parler sa sensibilité musicale. Cette libre interprétation et la maîtrise de la musique se construisent au fil de l’eau renfermant ici le véritable secret d’un scat qui nous transporte et nous fait vibrer.

Cet exercice nous touche tout particulièrement à Afol Pa car il est une forme d’improvisation perpétuellement joyeuse et dynamique, quel que soit le morceau, l’interprète ou le genre qui s’en empare. Créativité et liberté se donnent la main pour repousser les limites de la musique et de la voix, sans complexe et sans frontières humaines. Et ça, on adore ! Pas vous ?

SOURCES :

Petite histoire du scat | La maison et le monde (la-maison-et-le-monde.net)

Le Scat vocal dans le jazz - Docteur Jazz

C’est quoi, le scat ? (francemusique.fr)

Scat — Wikipédia (wikipedia.org)

LE SCAT, LE LIBRE LANGAGE DU CHANTEUR DE JAZZ - ANALYSE (cadenceinfo.com)